Le candidat Biya, fidèle à son imprévisibilité, vient de mettre sur pied sa machine de campagne. Première curiosité : le nom du Premier ministre Chef du gouvernement ne figure nulle part. Ceci semble dessiner son départ et partant un bouleversement si le candidat sortant est réélu.
Les pratiques coutumières au cours des élections présidentielles précédentes, nous confortent à croire que Paul Biya confie sa campagne à ses hommes de confiance. Ainsi, en 2004, c’était le Premier ministre (Pm) Peter Mafany Musonge qui avait dirigé de main de maître sa campagne. En 2011, la charge revenait à Philémon Yang, lui aussi Premier ministre. Cette année, 2018, curieusement, voici que ce n’est plus un Pm mais le ministre Directeur du Cabinet civil à la présidence de la République, Samuel Mvondo Ayolo, qui a la confiance de Paul Biya. Comment comprendre ce revirement des usages de Paul Biya ? Au moins deux indices forts s’imposent à la compréhension des analystes politiques. La fin de la primature de Yang et le rétrécissement de la confiance présidentielle. Nous nous attardons ici au premier point.
La fin de l’ère yang ?
Nul doute que le natif du Nord-Ouest est arrivé au terme de son long séjour à l’Immeuble étoile. Des bruits persistants ont couru à maintes reprises que cet homme affable et courtois a souhaité ou a demandé au chef de l’Etat de le décharger de ses responsabilités. La structuration de l’appareil administratif de l’Etat, avec ses incohérences et ses goulots d’étranglement, voulus ou pas, n’est pas faite pour faciliter la tâche au chef du Gouvernement. Il doit se battre pour exister. Il y a de ce fait deux goulots qui inhibent la fluidité de l’action gouvernementale.
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Le premier est le conflit de compétence entre le Pm et le Secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr). En fait, beaucoup d’observateurs estiment que le vrai chef du Gouvernement se trouve à Etoudi et non à l’immeuble étoile. De par sa posture de collaborateur direct du chef de l’Etat, le Sgpr peut donner des instructions à tout ministre sans passer par le Pm, si ce n’est qu’il lui en impose lui-même en direct. Cette situation est fort inconfortable et aboutit à la deuxième source d’humiliation du Pm. Ce dernier a, au sein de son équipe gouvernementale, des ministres délégués à la présidence. Ces ministres ont la fâcheuse manie de vouloir rendre compte directement à qui de droit et surtout pas au chef du Gouvernement. La situation est si bien connue et pratiquée que même le secrétaire général des services du Pm, selon les entrées qu’il a au palais, ne se sent pas obligé d’être tenu par le pouvoir de sa hiérarchie directe. On se souvient de ce Pm qui affublait de ce fait son Secrétaire général de « Bad Boy. »
Voilà qui a levé un pan de voile sur les vicissitudes vécues au quotidien par le Pm qui est en réalité au Cameroun, le premier des ministres. La réalité de l’administration gouvernementale se trouve à la présidence de la République. Paul Biya ne dupliquerait en fait que ce qu’il a vécu lui-même sous le régime de son illustre prédécesseur. Camer.be. Le Pm d’Amadou Ahidjo, de 1975 à 1982, avait l’habitude d’avaler de toutes les couleuvres. Le natif de Mvomeka le supportait patiemment, stoïquement, formé à la bonne école. Cela n’a pas empêché qu’il devienne plus tard le deuxième président de la République, préféré par Ahidjo face à tous ceux qui lui compliquaient la vie.
Après Yang
Le départ de Philémon Yang signifierait-il la fin de la primature entre les mains de la communauté anglophones ? Très difficile de répondre par l’affirmative à une telle question au moment où les Camerounais de l’autre rive du fleuve Mungo, pour ceux qui exigent et se battent pour la partition du pays, invoquent entre autres raisons la sous-représentation des anglophones au sein de l’appareillage stratégique de l’Etat. L’information claire et nette. Si Yang n’est plus Pm, et qu’un Camerounais de la partie orientale est nommé à la primature, cela impliquerait un chamboulement au sommet de l’Etat. Dans ce cas de figure, la primature retournerait dans le grand nord comme Paul Biya l’a pratiqué de 1982 à 1992. Pendant 10 ans, le grand nord a occupé l’Immeuble étoile.
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Il s’agirait donc d’un jeu de chaise musicale, où les anglophones retourneraient à l’Assemblée nationale, d’où ils étaient partis en 1992 sous le présent régime avec le départ de Fonka Shang Lawrence, en poste de 1988 à 1992. Il va sans dire que ce poste leur était échu depuis le 14 juin 1973, donc sous Ahidjo, avec l’arrivée de Salomon Tandeng Muna au perchoir. Cette réalité pourrait bien entendu faciliter la mise en œuvre effective de la décentralisation, par les différentes pressions sur le Gouvernement et les différentes lois qui l’encadrent ou la confortent dans sa mise en œuvre.
Effectivement, que cela peut constituer une vue de l’esprit car en l’état actuel des choses, c’est le président de la République seul qui distribue les cartes, à sa convenance et à son rythme.